Santé

Une plante médicinale anti-paludisme en Afrique : “J’ai été complètement guérie”

“Artemisia annua”, ou armoise annuelle, est une plante qui pourrait mettre fin à l’épidémie mondiale de malaria. Séchée puis consommée en tisane ou en poudre, nos Observateurs l’ont testée et ont pu constater son efficacité, mais les preuves scientifiques sont encore insuffisantes.

Cette plante originaire de Chine est utilisée en Asie depuis plusieurs millénaires pour soigner la fièvre et la malaria, une maladie infectieuse transmise par certains moustiques, aussi appelée paludisme. Cette maladie mortelle touche essentiellement les enfants : selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un enfant en meurt toutes les 30 secondes en Afrique.

On trouve dans le traitement le plus largement prescrit à l’échelle mondiale depuis le début des années 2000, l’ACT, un extrait de l’artemisia : l’artemisinine. Mais, ces dernières années, de plus en plus de scientifiques ont remarqué le développement de phénomènes de résistance à cette thérapie ACT.

Aujourd’hui, de nombreuses associations sont convaincues que l’artemisia est une plante qui, utilisée toute entière, pourrait éradiquer la maladie. Efficace, facile à cultiver et à transformer, elle serait un remède adapté aux problématiques du continent africain : pauvreté, accès limité aux centres de soin et aux médicaments, très couteux.

Parmi elles, l’association belge Luebo-sur-Ourthe organise des ateliers de jardinage et envoie des colis de graines au Kasaï-Occidental, dans la petite ville de Luebo, où des centaines de personnes contractent le paludisme chaque année.

Mon épouse a eu la malaria, je lui ai donné de l’artemisia et elle a guéri

Plusieurs habitants de Luebo ont pu tester les tisanes d’Artemisia annua, notamment en 2015, grâce à l’association. Notre Observateur Jean Tshibinda Kazadi est administrateur de l’hôpital CPC de Luebo, où les patients sont soignés avec de la quinine et de l’Asaq, des médicaments anti-paludéens conventionnels. Il a trouvé l’artemisia bien plus efficace.

«La malaria est la maladie la plus courante à Luebo. Elle fait des ravages. Nous avons traité 677 cas en 2016, dont 550 chez les enfants. Je dirais que, à l’échelle de la ville, au moins 1 500 personnes viennent se faire soigner chaque année dans les différents centres de santé. Il y a aussi plein d’autres malades qui restent chez eux et ne prennent pas de traitement».

«En 2015, mon épouse a eu la malaria. À cette époque, nous venions de recevoir de l’artemisia. Je lui en ai donné et ça a donné des résultats très satisfaisants, la fièvre est partie et elle a guéri. Même chose pour la dizaine de patients à qui j’en ai donné. En plus, il n’y avait pas les effets secondaires des médicaments traditionnels comme l’affaiblissement général ou les vomissements.

“Le seul petit défaut de la tisane ? Son goût pas mauvais mais auquel les habitants ne sont pas habitués. C’est très facile de l’améliorer avec un peu de sucre”, explique notre Observateur.

Pendant plusieurs semaines, les habitants m’en ont réclamé, mais nous n’avons pas réussi à en cultiver de manière satisfaisante. Quand nous pourrons en produire à nouveau, nous lancerons une grande campagne de sensibilisation dans la ville pour que les gens s’instruisent sur ce remède et puissent le prendre gratuitement.

« D’autres associations arrivent à cultiver l’artemisia en abondance au Congo, pourquoi pas nous ? »

Notre Observatrice Isabelle Jemine, secrétaire de l’association Luebo-sur-Ourthe, n’a pas pu envoyer de semences l’année dernière de la Belgique vers Luebo, à cause de la situation sécuritaire très volatile. Mais elle continue, sur le groupe Facebook de l’association, de publier des tutoriels en photo et d’informer les habitants sur cette alternative.

Un diaporama photo, assorti de légendes explicatives, publié par notre Observatrice sur le groupe Facebook de l’association le 3 janvier 2017.
J’ai découvert cette plante via d’autres associations qui opèrent au Congo et je me suis dit que, compte-tenu de la situation sanitaire à Luebo, ça pouvait être très utile aux habitants. J’ai fait beaucoup de tests chez moi, avec mes enfants. On a cultivé la plante dans notre jardin, on l’a séchée et on a fabriqué des tisanes qu’on a ensuite amenées à Luebo.

Des plants d’artemisia en train de sécher chez notre Observatrice, en Belgique, avant d’être emmenés à Luebo. Photo publiée le 29 août 2017 sur le groupe Facebook de l’association. Crédit : Isabelle Jemine

Avec ces voyages réguliers en RDC, j’ai contracté trois fois le paludisme. La première fois, je me suis soignée avec les médicaments conventionnels. Les deux autres fois, j’ai utilisé de la tisane d’artemisia. J’ai été complètement et rapidement guérie. À Luebo les membres de l’association ont encore du mal à faire pousser de grandes plantes, et les derniers événements ont un peu stoppé les activités, mais un lot de semences conçues au Sénégal, adaptées au biotope africain, devrait arriver dans les prochains jours. Ça devrait permettre de cultiver des centaines de plants. D’autres associations arrivent à cultiver l’artemisia en abondance au Congo, pourquoi pas nous ?

Un mouvement continental

Partout en Afrique, des initiatives similaires sont mises en place pour lutter contre la malaria. L’association La Maison de l’artemisia dispose d’antennes en RD Congo, au Sénégal et dans 13 autres pays africains.

Photos de la dernière récolte d’artemisia dans la Ferme de la Providence, au Bénin. Crédit : La Ferme de la Providence

Ces lieux permettent de former des agronomes à la culture de cette plante et d’échanger des semences. L’objectif est de développer son usage et sa culture dans toute l’Afrique. L’association a par ailleurs commencé à publier des vidéos explicatives pour sensibiliser le plus grand nombre.

Un tutoriel réalisé dans La Ferme de la Providence au Bénin revient sur toutes les étapes de la culture de l’artemisia. Crédit : La Maison de l’Artemisia.

L’OMS frileuse

En 2012, l’Organisation mondiale de la santé a refusé de recommander l’usage de la plante entière dans une déclaration. La professeure Pamela Weathers, spécialiste de cette plante à l’Institut polytechnique de Worcester aux États-Unis, a décrypté cette réserve pour la rédaction des Observateurs de France 24.

L’OMS demande que de nombreuses études cliniques soient conduites et qu’elles soient publiées dans des revues scientifiques à comité de lecture. Des études ont été faites ou sont en cours, mais elles n’ont pas encore été publiées dans ces revues.

On voit avec des études sur les animaux que l’artemisia est très efficace, et nous sommes sûrs que sa consommation est sans risque, mais il nous faut plus de tests sur l’homme.

Sur ce sujet, l’OMS est très conservatrice, elle rejette cette alternative tant que son efficacité n’a pas été prouvée, qu’on n’est pas absolument sûrs qu’elle élimine le parasite. Le problème c’est qu’elle ne présente pas l’artemisia comme une ressource prometteuse dans ses objectifs, ce qui motiverait plus de scientifiques à conduire des recherches.

À cause de ce silence, c’est aussi difficile de trouver des financements. Si l’OMS encourageait ces études, des fondations comme celle de Bill et Melinda Gates pourraient les financer.

Des chercheurs congolais ont conduit une étude clinique en RDC sur 1 000 malades, pour comparer le traitement classique à la plante. Résultat : les médicaments soignent dans 79 % des cas, contre 99,5 % pour l’artemisia. Leurs résultats ont été publiés sur le site Malaria World, qui répertorie toutes sortes de publications sur cette maladie. Les scientifiques devraient prochainement publier leurs résultats dans une revue à comité de lecture.

France 24

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