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L’Afrique à la conquête de l’espace

La Station spatiale internationale, le 23 mai 2010 (image d’illustration). L’objectif est d’envoyer un premier Égyptien dans l’ISS à l’horizon 2026.

L’agence spatiale égyptienne veut lancer une compétition nationale d’ici la fin du mois de janvier. Objectif : envoyer un premier Égyptien dans la Station spatiale internationale (ISS) à l’horizon 2026.
Depuis son bureau du Caire, le directeur de l’agence spatiale égyptienne, Mohamed El-Qousy, dévoile son ambition. « Le concours sera ouvert à tous, hommes comme femmes », soutient Mohamed El-Qousy.

« Cela va développer la connaissance de l’espace dans le pays et encourager la jeunesse égyptienne à s’entraîner. Ils seront motivés pour être en bonne forme physique et morale, et pour avoir un bon niveau scientifique. »

Deux Égyptiens seront alors choisis à l’issue d’un processus de sélection qui doit durer trois ans, et dont les critères restent à définir. Les deux heureux élus suivront ensuite un programme d’entraînement en Russie, l’un des partenaires du programme spatial égyptien.

« L’espace n’est pas un luxe »

Pour certains observateurs, cette initiative n’apparaît pas comme prioritaire dans un pays où près d’un tiers de la population vit avec moins d’un dollar et demi par jour. « L’espace, ce n’est pas un luxe », se défend le directeur de l’agence spatiale égyptienne. « L’exploration spatiale, l’espace comme moyen de communication… Ce sont des questions importantes pour chaque pays. [Avoir un astronaute], cela aura des retombées positives pour les revenus de l’Égypte », prédit El-Qousy.

Au-delà des retombées économiques, envoyer un homme dans l’espace rapportera aussi des bénéfices politiques comme symboliques selon Sékou Ouedraogo, président de l’association African aeronautics and Space organisation. « Ça ferait rentrer l’Égypte dans un club très fermé, qui n’était réservé qu’aux Russes et aux Américains jusqu’à il y a peu », analyse-t-il. « Ce serait un signal fort, d’autant plus qu’aucun État d’Afrique n’est parvenu à envoyer un de ses ressortissants dans l’espace jusqu’à présent. »

L’Égypte veut être le premier pays du continent à y arriver d’ici 2026. Reste à savoir si les futurs astronautes égyptiens seront nommés les « pharaonautes ».

Les « Afronautes »

Bien avant le projet égyptien, de nombreux Africains ont tenté de partir à la conquête de l’espace, dès les années 1960 et un seul a réussi.

Le 25 avril 2002, le milliardaire sud-africain Mark Shuttleworth atteint l’espace. À 28 ans, il devient le premier africain de l’histoire à être mis en orbite. Pourtant, sa mission n’a rien de scientifique. L’entrepreneur débourse 20 millions de dollars pour s’offrir cette escapade spatiale.

Mark Shuttleworth, le premier citoyen africain à être envoyé en orbite autour de la Terre, à son retour sur le 5 mai 2002. © AFP/Anna Zieminski
Un autre Sud-Africain était censé lui emboîter le pas : Mandla Maseko, un DJ de profession sélectionné parmi un million de participants lors d’un concours organisé par une marque de déodorants. Le prix : participer à un vol sub-orbital à bord d’un « vaisseau spatial » spécialement affrété. Mais Mandla Maseko se tue dans un accident de voiture en août 2019.

Le « précurseur » zambien

Les premières traces d’ambitions spatiales africaines remontent à 1964 en Zambie, à l’initiative d’un professeur excentrique, Edward Makuka Nkoloso.

Jamais officiellement soutenu par l’État zambien, ce professeur enrôle une dizaine de jeunes. Nkoloso les entraîne « aux conditions de vie en apesanteur » dans un camp près de Lusaka. Son but : « partir sur Mars avec une femme astronaute, un chat et un missionnaire » comme il l’indique au Lusaka Times.

L’aventure sera un échec mais laissera en héritage le terme « Afronaute », créé par le professeur. Un hommage sera rendu à l’expérience de Nkoloso dans un livre photographique en 2012 et un court-métrage en 2014.

Les ambitions nigérianes

En 2016, le ministre nigérian des Sciences et technologies, Ogbonnaya Onu annonce vouloir envoyer un astronaute dans l’espace d’ici à 2030. Pour cela, des membres de la Narsda, l’agence spatiale nigériane, rencontrent leurs homologues chinois. Le Nigeria compte alors « inspirer tout un continent » selon les mots de Felix Ale, l’un des responsables de la Narsda.

Avec les récentes annonces de l’Égypte, le continent africain se montre de plus en plus intéressé et actif dans la recherche spatiale. L’ambition égyptienne témoigne, en ce sens, de l’accélération récente de cet intérêt. Sur les 31 satellites africains lançés depuis 1998, 40% l’ont été ces trois dernières années.

La conquête spatiale africaine

De nombreux pays d’Afrique sont actifs dans la recherche spatiale. Une dizaine de pays africains ont lancé au moins un satellite dans l’espace. En 2017, le Ghana est même devenu le premier pays du continent à concevoir entièrement un satellite sur son sol. Du côté de l’observation spatiale, l’Afrique du Sud a été choisie pour accueillir un des deux sites sur lequel sera déployé le Square Kilometre Array, le plus grand radiotélescope mondial qui servira à sonder les confins de l’espace.

Le vice-président sud-africain David Mabuza, lors de l’inauguration d’un radiotélescope à Carnarvon (Afrique du Sud), le 13 juillet 2018. © AFP/Mujahid Safodien
Début 2019, l’Union africaine a entériné la création d’une Agence spatiale africaine basée au Caire. Elle devrait servir à coordonner la stratégie spatiale du continent. Pour Tidiane Ouattara, expert en sciences spatiales de la Commission de l’Union africaine, « il s’agit pour d’une conquête des sciences et des technologies spatiales pour le développement durable de l’Afrique ».

En effet, la recherche spatiale peut s’appliquer dans de nombreux domaines sur le continent. Par exemple, l’extension des réseaux de télécommunications dans les zones les plus reculés ou encore les images spatiales permettant de lutter contre la sécheresse, en proposant une meilleure cartographie des zones arides et des zones aquifères. Les satellites ont également des objectifs militaires. Ils peuvent faciliter, par exemple, le repérage de groupes terroristes dans des zones désertiques.

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