Culture

Fashion Week : quand un Camerounais et un Indien nourrissent la haute couture de leur patrimoine

Le Camerounais Imane Ayissi et l’Indien Rahul Mishra ont fait une percée historique dans le club fermé de la haute couture avec des collections basées sur des savoir-faire locaux, au dernier jour de la semaine parisienne présentant le printemps-été 2020.

Le Camerounais Imane Ayissi et l’Indien Rahul Mishra ont proposé des collections sophistiquées basées sur des savoir-faire locaux sur les podiums de la haute couture présentant le printemps-été 2020 à Paris, le 23 janvier 2020.

Imane Ayissi, le défenseur des vrais tissus africains

Mixant des tissus, musiques et influences occidentaux et africains, Imane Ayissi, premier représentant d’Afrique sub-saharienne à avoir intégré le calendrier de la haute couture, a déclaré “Pour moi c’est une fierté, une ouverture immense de pouvoir montrer les vrais tissus africains, le patrimoine africain”.

Imane Ayissi, 51 ans, ancien mannequin et danseur, refuse d’utiliser le wax. Ce tissu inspiré du batik indonésien, industrialisé en Europe et adopté par l’Afrique, continent auquel il est associé, est tabou pour ce créateur qui le juge “colonial” et estime que l’Afrique à “mieux à montrer”. “De nos jours, dès qu’on parle de la mode africaine, c’est le wax qu’on met en avant, c’est dommage, cela tue le patrimoine africain“, estime Imane Ayissi.

Le styliste a fait découvrir des savoir-faire africains peu connus tels des kente, tissages traditionnels de l’ethnie Akan, que l’on trouve au Ghana et en Côte d’Ivoire et portés à l’origine par la noblesse ou de l’obom, une peau végétale produite à partir d’écorces d’arbres.

Une autre technique chère au créateur consiste à “prendre des choses moins nobles et à les rendre nobles”, comme transformer du raphia, une matière sauvage, en pièces couture. Des ceintures et capes en raphia se portent sur des tenues du soir en soie, de longues robes sont ornées de fleurs découpées dans de l’obom. “J’ai utilisé des tissus très nobles (comme la soie) et européens. J’ai aussi essayé d’intégrer des tissus rustiques comme du coton brut, du raphia que l’on fait travailler au village“, a-t-il souligné.

Longues robes de soie noire et blanche, ensembles fuchsia-orange, rose-verts, jaune ou vert ou couleurs de terre, sont portés avec des bottes ou des escarpins dorés à talons aiguille dans cette collection baptisée “Akouma” ou “richesse”.

Imane Ayissi couture printemps-été 2020, le 23 janvier 2020 à Paris (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

Rahul Mishra, le chantre des artisanats ruraux

Rahul Mishra, 40 ans, partisan d’une “slow fashion” éthique a estimé qu’il était “incroyable et surréaliste” d’être le premier Indien à intégrer la semaine de la haute couture. Rahul Mishra avait rejoint la semaine du prêt-à-porter parisien après avoir remporté le Prix International Woolmark en 2014, la plus haute récompense qui a également lancé les carrière de Karl Lagerfeld et Yves Saint Laurent. Il est apprécié pour la pureté de ses créations, souvent blanches subtilement brodées. La critique de Vogue Suzy Menkes l’a qualifié de “trésor national” indien.

Le créateur travaille avec des artisans locaux des régions rurales de l’Inde. “Mon objectif est de créer des emplois qui aident les gens dans leurs propres villages, je leur apporte du travail plutôt que de les appeler à travailler pour moi“, a-t-il déclaré.

Si les villages sont plus forts, on aura un pays plus fort, une nation plus forte et un monde plus fort“, a-t-il ajouté.

Pour la haute couture, il a relevé la palette de couleurs avec des robes qui évoquent la jungle et le monde sous-marin immaculé des Maldives, qu’il craint de perdre un jour. Frappé par le fait d’avoir été obligé à garder sa fille de 4 ans à la maison pendant 20 jours à New Delhi en novembre 2019 à cause de la pollution, le styliste a imaginé “une planète vierge et sauvage, avec des écosystèmes conçus à partir de flore et faune brodées“.

Je suis très sensible concernant ce sujet. Parfois, cela me fait pleurer. Tous nos enfants devraient grandir dans un monde meilleur“, souligne-t-il.

Rahul Mishra couture printemps-été 2020 à Paris, le 23 janvier 2020 (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

L’élitiste label haute couture, la vitrine d’un patrimoine cousu main

Seulement 16 marques de luxe les plus prestigieuses du monde ont le droit d’appeler leurs vêtements haute couture. Ces vêtements doivent être faits à la main et correspondre à un grand nombre de critères de qualité. Ce cercle compte 16 membres labellisés haute couture. Aux côtés de ceux-ci défilent 7 griffes étrangères et 18 membres invités. Imane Ayissi et Rahul Mishra sont les nouveaux membres à intégrer le calendrier cette saison printemps-été 2020.

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