Communiqué

DÉCLARATION D’ALTERNATIVE CITOYENNE IVOIRIENNE (ACI) SUR LE PORT OBLIGATOIRE DU MASQUE ET LES EVENEMENTS DE YOPOUGON

I- LES FAITS

En Côte d’Ivoire, la présence de personnes infectées a été signalée le 11 mars 2020. Le 16 mars, les premières mesures ont été annoncées, suivies d’un plan de riposte annoncé par le Chef de l’Etat le 23 mars, puis d’un plan de soutien économique, social et humanitaire le 31 mars.

Si les premières mesures ont occulté le social, le dernier plan en a tenu compte mais de façon non satisfaisante, car certaines mesures sont discriminatoires, et d’autres imprécises notamment par rapport à l’accès aux différents fonds créés.

Ainsi, le mode opératoire de l’utilisation du fonds social de 170 milliards est jusque-là méconnu, de même que l’accès des populations vulnérables aux dons réceptionnés par le gouvernement.

Aussi les populations des quartiers précaires se sentent laissées pour compte et ne savent à quel saint se vouer. Comme si cela ne suffisait pas, le samedi 04 avril le DG de la Santé a annoncé l’obligation du port du masque pour tous ceux qui sortent.

Enfin dans la nuit du dimanche 05 avril, les populations de Yopougon se sont opposées violemment à l’installation d’un centre de dépistage et les contestations se sont poursuivies le lendemain.

II- NOTRE ANALYSE

Nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas de stratégie réelle depuis le début et qu’il ne communique pas suffisamment sur ses actions. Le ministère chargé de la solidarité n’a apparemment pas conçu de plan social car dans le plan de riposte contre le covid_19, la mesure la plus importante devrait être l’assistance planifiée des personnes vulnérables. Nous avons plutôt assisté à un appel aux dons sans avoir un plan social de base. Nous avons l’impression que le gouvernement tâtonne. Pourquoi ne pas mettre en place une cellule scientifique pour réfléchir sur un véritable plan social et humanitaire pour le peuple ivoirien qui souffre, et qui attend beaucoup de ces dirigeants qui sont le garant de leur sécurité sociale ?

Nous assistons à une série de décisions de rattrapage face aux critiques, donc à un raccommodage qui ne peut que déboucher sur une inefficacité. Le gouvernement peine pour trouver une véritable solution définitive à la prise en charge des personnes vulnérables afin de limiter la propagation du virus.

Cette décision de port obligatoire du masque est en déphasage avec nos réalités parce qu’elle suppose la disponibilité de masques pour tous les habitants d’Abidjan, ce qui n’est pas le cas. Non seulement il y a des ruptures de stock dans les pharmacies et autres lieux de ventes, mais tout le monde n’a pas les moyens de s’en offrir à cause ces pris anarchiques pratiqués.

Est-ce un confinement total sournois ? Si oui, les conditions ne sont pas réunies et ce serait suicidaire car c’est la faim et non le COVID_19 qui va tuer la majorité.

Nous ne sommes donc pas contre les mesures de protection mais pour rendre obligatoires les mesures qui ont un coût, il faudrait s’assurer de la capacité des populations à les satisfaire, notamment les populations vulnérables qui ne peuvent pas pratiquer le télé travail mais qui sont obligées de sortir tous les jours. Nous tenons à relever que nos visites sur le terrain nous ont permis de constater deux préoccupations majeures des populations démunies. La première concerne le manque de moyens pour disposer de matériel de protection dû à la baisse des activités généralisée. La seconde est la peur du confinement total parce que les populations vulnérables vivent au jour le jour et n’ont donc pas les moyens de faire des provisions.

C’est pour cela que depuis le début, nous n’avons eu de cesse à demander des mesures spéciales pour les populations vulnérables, notamment la distribution de vivres, afin de les aider à vivre le confinement.

Est-ce difficile de nous expliquer comment les populations vulnérables peuvent accéder aux dons ? Pourquoi malgré les distributions en cours les populations vulnérables ne font-elles pas encore partie des bénéficiaires ? Pourquoi cette décision de Port obligatoire du masque, alors qu’il y a une pénurie de masques actuellement ? Pourquoi cette décision de Port obligatoire du masque, alors que les populations vulnérables qui sont obligées de sortir tous les jours ne disposent pas encore de ces masques ? Le Gouvernement travaillent-ils au mépris des besoins des populations vulnérables qui constituent la masse populaire ? Quelles sont les priorités réelles du Gouvernement dans cette lutte contre le COVID_19 ? La prévention ne devait-elle pas être la priorité ? Si oui, pourquoi toutes ces défaillances qui travaillent contre la prévention ? Va-t-on user de violence contre ceux qui ne respecteraient pas le port obligatoire malgré eux ?

Par rapport aux violences à Yopougon, nous les condamnons car rien ne saurait justifier la destruction de biens publics, mais en même temps, nous tenons à souligner l’insuffisance de communication autour des actions du Gouvernement. Pour tout projet important, quelle que soit l’urgence, il est important et essentiel d’informer et de sensibiliser les populations riveraines. Nous pensons donc que si le Gouvernement avait adopté une bonne approche basée sur la communication avec les populations qui reçoivent le projet, nous aurions pu éviter cette violente réaction alimentée certainement par de fausses rumeurs.

III- NOTRE POSITION

Alternative Citoyenne Ivoirienne pense que le Gouvernement n’ayant pas été surpris par l’apparition du COVID_19 en Côte d’Ivoire, il aurait dû avoir une attitude plus responsable en prenant toutes les précautions pour le personnel de santé, les forces de l’ordre et les populations vulnérables. Nous demandons donc au Gouvernement de réparer toutes ces défaillances en :

– protégeant de façon effective le personnel de santé,

– respectant les promesses faites aux forces de l’ordre et en veillant à leur protection car ils continuent de circuler sans protection,

– trouvant la solution pour qu’il y ait une disponibilité des masques à des coûts raisonnables pour toute la population,

– en ouvrant l’accès aux vraies personnes vulnérables aux dons et aux 170 milliards, afin de contribuer activement à la prévention, avant de décréter le port obligatoire du masque ou le confinement total,

– en subventionnant les produits de première nécessité, tels que le riz, l’huile, le lait, le sucre, la viande, le gaz, le savon et le matériel de protection (gel et masques, avec les 170 milliards ou d’autres fonds, on aiderait toute la population ivoirienne sans distinction et de façon équitable, car les pauvres ne sont pas toujours dans les quartiers précaires et la crise frappe tout le monde.

Aux populations, il faut éviter l’incivisme et s’inscrire dans la discipline et le respect des mesures barrières dans notre intérêt à tous.

Fait à Abidjan, le 05 avril 2020

Pour ACI,

La Présidente,

Pulchérie GBALET.

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