Société

Côte d’Ivoire : La Poste de Cote d’Ivoire sur le qui-vivre

Voilà bientôt trois mois que certains employés de La Poste de Côte d’Ivoire n’ont pas perçu de salaire. C’est ce que nous avons appris dans une circulaire d’information émise par le Syndicat National des secteurs des Postes et des Télécommunications de la Côte d’Ivoire (SYNAPOSTEL-CI), datée du 28 octobre 2019. Ladite circulaire était adressée à Madame Stéphanie Diah, Secrétaire Générale adjointe chargée du Secteur de La Poste, avec en ampliation, le Directeur Général, Isaac Gnamba Yao.

En plus de manifester son indignation face à cette situation, le syndicat explique que les employés, qui n’ont pas été payés depuis tout ce temps, sont dans une profonde détresse psychologique et financière. Ils sont complètement démotivés et, selon le syndicat, c’est par faute de moyens financiers que certains sont incapables de se rendre au travail ou accusent de nombreux retards. C’est ce manquement qui semble avoir provoqué la colère de la Direction Générale qui, plutôt que de tenter de trouver des solutions dans sa note de service 155 datée du 24 octobre 2019, les menace de sanctions disciplinaires liées à leur absentéisme.

 Pourtant, ce n’est pas la première fois qu’un syndicat alerte la Direction de La Poste sur les difficultés auxquelles sont confrontés ses employés. Le 27 mai 2019, le Syndicat National des Travailleurs de La Poste de Côte d’Ivoire (SYNTRAPOSTE-CI) a déposé un préavis de grève à la Direction des Ressources Humaines de l’entreprise. Cette missive expliquait les mêmes difficultés auxquelles sont confrontés les agents notamment :

Les retards dans le paiement des salaires ;
La non application de la revalorisation salariale des agents fonctionnaires contrairement au décret émanant du président Alassane Ouattara qui prévoyait une augmentation de 9 à 15% ;
Le reversement d’une indemnité de logement aux travailleurs ;
Le manque d’information et de transparence sur la situation financière de l’entreprise ;
Le manque de considération de la Direction envers le syndicat ;
La non reconnaissance du mérite des employés, notamment la décoration promise aux travailleurs qui n’est jamais venue.

Dans le rapport de mission accablant d’avril 2012 du Ministère de la Poste et des Technologies de l’information et de la Communication, dirigé, à cette époque, par le Ministre Bruno Nabagné Koné, nous lisons que La Poste de Côte d’Ivoire est confrontée à d’énormes difficultés financières et opérationnelles et qu’elle présente des caractéristiques de fragilité dues notamment à :

– Son incapacité à s’adapter à un environnement qui n’a cessé d’évoluer techniquement, notamment du fait de l’essor des technologies de l’information et de la communication ;

– Des grèves à répétition qui ont fini par porter atteinte à la cohésion dont la société avait besoin pour engager les réformes indispensables ;

– Les crises institutionnelles qu’a connues l’entreprise et qui ont contribué à installer une instabilité managériale et sociale ;

– L’incertitude institutionnelle qui a créé une inorganisation du secteur et une concurrence accrue qui a engendré des pertes de part de marché et a accentué ses déficits ;

– Des difficultés à mobiliser des ressources suffisantes de l’État ou de bailleurs de fonds pour financer les reformes entreprises et relancer son activité ;

– Les crises socio-politiques de ces 10 dernières années, qui ont eu un impact négatif sur La Poste en raison de nombreuses fermetures de centres d’exploitation et la destruction d’une partie importante de son outil de travail (fermeture des bureaux et guichets en zone ex-CNO) ;

– Une activité postale évoluant dans un environnement règlementaire désuet, de concurrence déloyale et anarchique ;

– Des carences au niveau de la gestion des ressources humaines :

Aucune gestion prévisionnelle des effectifs ;
Une politique salariale non maîtrisée ;
Un effectif pléthorique par rapport au niveau d’activité et dont 60% a plus de 45 ans avec un statut de fonctionnaire ;
Une rémunération globale qui représente 130% du chiffre d’affaires en 2011 ;
Un personnel vieillissant et peu productif ;
Un taux d’absentéisme élevé ;
L’absence ou carence des outils et procédures fondamentaux d’une gestion moderne des hommes dans l’organisation ;
Une politique de formation inexistante depuis 2004 ;
Un climat social instable avec des conflits internes et des mouvements sociaux récurrents.

C’est donc suite à ce diagnostic que La Poste de Côte d’Ivoire s’est vu imposer un plan de redressement et de relance de 2012 à 2016. L’une des principales mesures était que la masse salariale de l’entreprise n’excède pas 35% de son chiffre d’affaires et que ses effectifs soient réduits d’environ 50% d’ici 2014. Ce sont environ 400 travailleurs sur 885 au total qui étaient concernés par cette mesure. L’ancienne Direction estimait qu’à l’issue de cette restructuration, des recrutements pourraient être faits. Mais loin d’être systématiques, ils seraient « ciblés et réalisés en fonction des besoins constatés ». Le ministre Bruno Nabagné Koné avait renchéri en disant que « l’objectif c’est d’avoir 400 à 500 départs et recruter 200 à 300 jeunes » par la suite.

D’ailleurs, c’est dans le cadre de la mise en œuvre de ce plan de redressement que l’Assemblée nationale ivoirienne a adopté en octobre 2013, une nouvelle loi portant Code des postes.

Nous sommes en droit de nous demander ce qui s’est passé depuis pour que La Poste se retrouve à nouveau dans cette situation :

Est-ce que toutes les recommandations de ce rapport de mission et du plan de redressement ont été appliquées ?
Quels ont été les résultats de cette restructuration ?
Pourquoi la Direction Générale de La Poste de Côte d’Ivoire a dit à ses agents qu’elle « se bat bec et ongle pour obtenir les fonds que l’État de Côte d’Ivoire lui avait promis dans le cadre de la mise en œuvre du Plan de Redressement Opérationnel et Financier dont le douloureux volet social a été mis en œuvre ? » Où est passé cet argent ?

Pourquoi, Issac Gnamba Yao, Directeur Général de La Poste et l’Agence Emploi Jeunes, pilotée par Mamadou Touré, Ministre de la Promotion de la Jeunesse et de l’Emploi des jeunes, ont-ils lancé une vaste campagne de recrutement de 4 500 jeunes agents commerciaux terrain en octobre 2019 ?
Comment justifier une telle campagne de recrutement pléthorique, alors que le plan de restructuration recommandait le départ de 50% des effectifs et éventuellement l’embauche de seulement 200 à 300 jeunes.

Comment Mamadou Sanogo, ministre de l’Économie numérique et de la Poste, le Ministre Mamadou Touré et le Directeur Isaac Gnamba Yao peuvent-ils justifier l’embauche de ces 4 500 jeunes, alors que des agents de La Poste ne sont pas payés depuis trois mois ?
La volonté du gouvernement est-elle réellement de sortir La Poste de Côte d’Ivoire du marasme ou plutôt, de l’enterrer définitivement afin de pouvoir la privatiser ?

source: les justiciers du net

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